FUKUSHIMA AN 3, un grand Format Multimedia diffusé sur le site Lemonde.fr, présenté dans «Histoires connectées» du jeudi 23 janvier 2014, la chronique de Claire Leproust, dans l’Hyper revue de presse d’Olivier Emond avec Fabienne Sintes, tous les jeudi à 9h15 sur France Info.
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La chronique écrite :
Claire Leproust : Présent au Japon pour une interview du grand maître de l’animation Miyazaki, Jérôme Fénoglio, grand reporter au Monde, a voulu retourner 3 ans après le séisme du 11 mars 2011 pour saisir l’après Fukushima. Il en a rapporté un article paru dans le magazine M du week-end dernier et, pour la première fois au Monde.fr, un Grand Format qui se présente comme un article que l’on scrolle de bas en haut sur sa tablette ou son ordinateur, enrichi de photos, de paysages animés, de cartes et de textes.
Olivier Emond : L’édito dans le magazine M commence par cette phrase « le journalisme est une affaire de temps », comment ce Grand Format « Fukushima an 3 » en est-il une illustration ?
C.L : C’est d’abord tout simplement rare qu’un grand reporter revienne sur le lieu d’un événement passé. En l’occurrence, Jérome Fénoglio a rappelé le même photographe japonais qui l’avait accompagné la première fois et qui lui avait permis de communiquer avec les habitants des lieux les plus touchés par le séisme. Le grand reporter raconte qu’en retrouvant ces mêmes gens, une confiance s’est établie, la parole a pu se libérer, avec moins de réserve et de pudeur. Le temps, c’est aussi celui du lecteur, car ce grand format multimedia fait une trentaine de pages et se regarde et lit plus lentement.
O.E : Les deux journalistes ont donc parcouru les campagnes, les bords de mers, rencontrer des familles disloquées et des habitants. Ils racontent que le traumatisme demeure après ce séisme qui a tué 20 000 habitants et a fait évacuer 600 000 personnes.
C.L : Au nord, là où le tsunami a le plus dévasté la côte, les habitants racontent la peur qui demeure, celle notamment des pêcheurs qui osent à peine l’avouer et ne peuvent plus voir la mer comme avant. A Taro, une muraille de 10 mètres avait pourtant été bâtie, elle n’a pu empêcher la vague même si elle a permis à des habitants d’avoir le temps de se mettre à l’abri. Aujourd’hui, un mur encore plus haut est en construction et les habitants devront être relogés en hauteur sur la colline.
Otsushi, c’est une ville qui a été dévastée par les eaux et par le feu, des victimes n’ont pu être identifiées et le deuil des familles sans rituel funéraire est comme impossible.
Les journalistes ont aussi retrouvé ce maire élu quelques jours avant le séisme et qui a avait fait preuve d’un héroisme civique alors même qu’il avait perdu sa femme. Aujourd’hui, sa principale obsession est de reloger les habitants, mais tout prend du temps, l’administration est lourde. La plupart des gens sont encore logés dans des maisons vétustes et provisoires. Ils sont souvent séparés de leur famille, de leurs voisins.Tant qu’ils n’auront pas leur nouvelle maison, ils sont comme sans mémoire et empêchés de se reconstruire. Une photo s’arrête sur cette grand mère qui a perdu son mari et ses 3 petites filles, tous pris dans le tsunami alors qu’ils venaient la chercher. En dessous, une photo de cerfs volants et fanions d’un cirque semblent bien dérisoires, mais le clown fait rire les enfants.
O.E : Au sud, plus près de Fukushima et de la centrale nucléaire, c’est un sentiment de colère qui s’exprime chez les habitants.
C.L : Oui, car au début, l’administration a fait s’exiler les populations, pas tout de suite d’ailleurs. Puis tant Tepco, la société d’électricité, que le gouvernement, n’ont cessé de prendre des décisions aléatoires. Des habitants n’arrivent pas à se résigner qu’ils ne reviendront pas dans leur maison. Ils aimeraient au moins que les personnes âgées puissent avoir le droit d’y finir leurs jours. Une image montre ce fermier qui regarde de chez lui, via des webcams, sa maison et son jardin à distance.
O.E : Il y a aussi la peur dûe à l’exposition aux radiations.
C.L : Les journalistes ont retrouvé cette femme devenue militante anti nucléaire, mais elle a transmis une réelle angoisse à son fils. On imagine que des angoisses comme celle ci, il y en a beaucoup.
Le Grand Format se termine sur ces indemnités versées par Tepco à certains habitants comme pour se dédouaner, dédommager et qui engendre une culpabilité, celle de vivre de l’argent de cette société comme une rente de situation mal vécue finalement.
Le Japon connaît deux à trois fois par siècle ce genre de séismes, les anciens le savent, mais à chaque fois, le drame est profond, le pays reconstruit, la vie reprend, mais 3 ans plus tard c’est encore trop récent.
C’est FUKUSHIMA an 3, le premier Grand Format du Monde.fr, sur tablette et sur le site et l’application du magazine M.